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    En tant que directeur du laboratoire de toxicologie alimentaire de Bordeaux et président du groupe contaminants alimentaires à l'Agence française de sécurité sanitaire, n'estimez-vous pas que la France s'est intéressée tardivement à la surveillance des dioxines ?

    Depuis 1994, année où la France a commencé à surveiller les dioxines, on assiste à une amélioration de la situation, due essentiellement à la fermeture d'installations extrêmement polluantes et à l'amélioration de procédés industriels. On sait en effet que l'homme se contamine à 95 % par l'alimentation, le lait notamment. Or la pollution laitière, résultant des retombées atmosphériques, peut disparaitre très vite : dans les trois à six mois qui suivent la fermeture d'un incinérateur, les teneurs en dioxines dans le lait seront retombées sous les seuils critiques. Le problème en revanche est beaucoup plus complexe pour les poissons contaminés : ils ont pu être mangés par des oiseaux ou des poissons prédateurs, lesquels ont pu être utilisés dans l'alimentation animale.

    Le seuil maximal d'exposition est-il toujours respecté ?

    On a réduit de deux tiers l'exposition moyenne des Français. Celle-ci se situe autour de 1 à 3 pg/kg/jour, soit en dessous des seuils d'alarme préconisés. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas de problèmes à des échelons locaux, où la loi n'est pas toujours respectée, et où des dérogations sont sans cesse accordées à des installations hors normes. Ni qu'il ne faille pas continuer à tout mettre en oeuvre pour faire baisser encore ces taux, ne serait-ce que pour réduire au maximum l'exposition des femmes enceintes.

    Où en sont les recherches sur ces questions ?

    Il y a encore très peu d'études - trois ou quatre seulement aux Etats-Unis et aux Pays-Bas - et de certitudes en ce domaine. On sait que la dioxine se fixe sur les graisses, et, donc, dans l'organisme : on la retrouvera dans les lipides sanguins. Le foetus est donc exposé. Ce qui semble évident, comme dans le cas d'une mère fumeuse, c'est une réduction du poids de naissance et du tour de tête du nouveau-né. D'autres paramètres - comme des effets sur la thyroïde ou sur le développement neurologique - ont été évoqués.

    Propos recueillis par Nadia Lemaire

    Le Monde